Déchéance, démolition, construction | |||||||
Les habitants de l’immeuble nous sont connus grâce aux recensements de populations, aux listes électorales, aux annuaires du téléphone. Entre 1926 et 1946, le nombre total d’habitants de l’immeuble s’accroît de 47 à 58 personnes, tandis que le nombre de familles passe de 18 à 21. Plus de la moitié de ces 18 des familles demeurant au 6, rue Beautreillis, en 1926 se retrouvent tout au long de ses vingt années pourtant mouvementées, dont le couple de concierge, les Cottel. La mixité sociale est encore bien présente avec des artistes (sculpteur, musiciens), des intellectuels, plusieurs administrateurs ou entrepreneurs, mais aussi des électriciens, des couturières, des bijoutiers, des employées et un gardien de la paix. Pourtant une profession disparaît dans ces vingt années : les bonnes ; si elles étaient quatre présentent dans trois familles en 1926, il n’y a en plus aucune à vivre dans l’immeuble en 1946. Deux familles étrangères : les Kaltenmark originaires de Tchécoslovaquie dont l’époux est journaliste, l’épouse égyptologue et le fils Maxime deviendra un spécialiste des philosophies chinoises, et les Molinari, bijoutiers, qui viennent d’Italie..
À quoi le Marais a échappé Les photos prises en 1959-1960 et conservées aux archives de Paris dans le dossier pour le permis de construire montrent l'aspect de l’hôtel Raoul côté rue Beautreillis peu de temps avant sa démolition ; au dessus d'un long et haut mur aveugle (incluant totalement le portail) apparaissent les facades d'un haut immeuble (4 étages) sans grâce, et ayant apparemment une disposition analogue à celle de l'hôtel Raoul. On est si loin de la gravure reproduite ci-dessus que l’on peut s’interroger sur les transformations entre ces deux vues prise du même point. Sur une autre photographie, on s’aperçoit que l’ancien batiment comportait aussi une aile s’appuyant sur l’immeuble XVIIe au 4 rue Beautreillis.
Tout en restant toujours la propriété des héritiers de Jean-Louis Raoul, les outrages temps faisant leurs œuvres, notre bel hôtel devient ce qui est décrit en 1959 en ces termes : « des bâtiments vétustes comportant 23 logements au sujet desquels a été pris le 14 septembre 1953 un Arrêté Préfectoral établi en application de la loi du 1er septembre 1948 et autorisant conditionnellement la démolition. » Démolition de l'hôtel et sauvetage du portail Raoul Le permis de construire a été déposé le 24 août 1959. Il se propose d’édifier « à Paris (4e), 6, rue Beautreillis et 13 & 15 rue du Petit-Musc […] 78 logements.» Il est aussi mentionné dans cette demande « l’élargissement des rues Beautreillis et du Petit-Musc, conformément au plan d’Urbanisme (les bâtiments existants sont vétustes et frappés d’alignement) ». Enfin il est précisé que « la nouvelle construction est destinée à reloger, en priorité, les anciens locataires de l’immeuble ; le nombre total de logements (78 y compris la loge de la concierge) étant nécessaire pour assurer l’économie du projet et rendre viable l’opération envisagée. » Cette mesure d’alignement doit non seulement entraîner la démolition du portail, mais aussi une cession à la Ville des parcelles touchées par l’alignement au moment de sa réalisation. Les travaux de démolition, et de construction, sont effectués en deux tranches. Ceux de la 1re tranche sont terminés le 31 octobre 1965 et ne concerne que l’aile transverse. Ils ont déjà entraîné la démolition de la moitié de l’hôtel Raoul, mais n’ont pas touché au portail. Bien que la demande en autorisation de construire pour la deuxième tranche ait été accordée dès le 2 mai 1960, au même moment que pour la 1re tranche, un 2e avis a donc été nécessaire car « suite à la demande de Monsieur Laprade, Architecte [urbaniste des bâtiments de France chargé de l'aménagement du Marais], le constructeur a modifié en cours d’exécution le projet initial […] pour permettre la conservation du porche ancien sur la rue Beautreillis ». Ce second avis est daté du 28 décembre 1966. La direction technique de la voirie parisienne est sollicitée sur les conséquences. Elle écrit : « Le maintien de ce porche, en saillie sur l’alignement approuvé, de la voie est un état de fait sur lequel la Voirie Parisienne n’avait pas été consultée. À ce jour, la situation n’est plus susceptible de révision et l’aménagement de la voie publique sera établi en conséquence. » Le doigt sur la couture du pantalon. C’est ainsi que l’intervention in extremis de M. Laprade sauva le portail, mais son sort n’en était pas assuré. En effet, la parcelle supportant ce portail, se trouve détachée du reste de la copropriété où est bâti l’immeuble, et comme la Ville ne réalise pas l’alignement, le portail et son terrain restent la propriété des descendants de Jean-Louis Raoul. |
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