En ce tout début du XVIIe siècle, la mutation de ce quartier vers le Marais que l’on connaît aujourd’hui commence ; l’hôtel du 7 rue Beautreillis vient d’être construit. L’an 1605, c’est le moment où débutent enfin les travaux Place Royale ; dans ces mêmes années se construisent ou se modifient d’autres hôtels, adoptant le goût du jour, comme l’hôtel de Mayenne. Or c’est le 21 avril 1604 que Jacques Doulent vend pour 18 000 livres son logis à Paul Ardier, Conseiller du Roi, Trésorier de ses parties casuelles, ministre d’Henri IV après avoir servi son prédécesseur Henri III et avant de servir Louis XIII.
Dès le 4 février 1606, Paul Ardier passe des devis pour des travaux importants avec deux maîtres maçons, François Pinart et Pâris Bonnet, qui vont créer un tout nouvel hôtel à la pointe de la mode, entre cour et jardin [Cha94]. Ces devis permettent de se représenter l’hôtel à son origine. L’hôtel est à escalier central avec un mur d’échiffre et corps de logis à simple profondeur. Le corps de logis principal mesure « sept toises et demye ou environ d’un pignon à l’autre » est complété par un logis « en potence quatorze pieds dans son œuvre » qui « régnera depuis le grand jusques au mur de la rue ». On retrouve ces dimensions sur le plan de l’hôtel, conservé dans le cadastre napoléonien, de deux siècles postérieur. Le devis décrit aussi « La porte de la rue pour entrer dans le logis sera de six piedz de large, garnye d’ung fronton avec moellure honneste, fermes en plattebande, carré, ainsy qu’elle sera ordonnée par ledict sieur Ardier. » À noter que cette construction semble laisser une place à une bande non bâtie, à droite du bâtiment « en potence ». Les encadrements des fenêtres sont en pierre de Saint-Leu. Sur le devant la cour est pavée de granit, et derrière le jardin est nivelé et son allée pavée de pierre. Ces deux corps de logis sont construits sur de grandes caves voûtées soutenues par deux piliers centraux. Le toit de tuiles est décoré par les cheminées de briques. L’hôtel jouit d’un puits en ovale.
L’intérieur, connu par les inventaires après décès, sans être le plus luxueux des hôtels de son temps, dénote déjà un grand souci de représentation. Le rez-de-chaussée est le domaine du maître de maison avec son bureau, une petite galerie, sa chambre et une salle plus vaste, avec une cheminée imposante, qui va jusqu’au plafond, enrichie de marbre, et de cinq pieds et demi de large. Le premier étage, le plus noble, est celui de sa femme, Susanne Phélypeaux. On y trouve une salle de réception, sa chambre, deux garde-robes et une chapelle avec plusieurs tableaux à motifs religieux. Le mobilier, pour la plupart en noyer ou en chêne, est assez simple, hormis un cabinet d’ébène incrusté d’argent et son lit est recouvert d’un damas jaune et rouge orné d’un passement de même couleurs. Les ouvertures des pièces donnent sur la cour et le jardin. Les mûrs sont garnies de tapisseries des Flandres, en dépit des efforts royaux pour favoriser la production française, ainsi que de miroirs de Venise. Lors de la démolition on mit à jour des plafonds à poutrelles peintes, ainsi que le rapporte M. Minost architecte chef de l’agence du Marais, qui avaient été dissimulées sous un faux plafond quand ce décor était passé de mode
Paul Ardier |
Paul Ardier est né vers 1563 dans une famille de notable d’Issoire (Puy-de-Dôme). Très tôt on le retrouve au service du roi Henri III, si l’on en croit son épitaphe :
» La nature le doua d’une agréable et noble présence de corps et de belles lumières d’esprit. Avec ses qualités, il fut des ses jeunes ans appelé à la cour, il commença ses services soubz le règne du roy Henry 3, dans des charges honorables de sa maison, et les continua dans des employs et offices plus importantz, sous les reignes des roys Henry 4 et Louis 13. » Il occupe des fonctions de plus en plus importantes au service des rois qui se succèdent et finira Trésorier de l’Épargne. Paul Ardier a épousé Suzanne Phélypeaux à Blois en 1592. Les Phélypeaux étaient aussi une famille de robe, dont la filiation remonte à Jean Phélypeaux, conseiller du Roi et lieutenant général à Blois à la fin du XIVe siècle. Paul Ardier, était le principal commis de Raymond Phélypeaux d’Herbault, secrétaire d’État et frère de Suzanne. C’est ce même Paul Ardier qui achète en 1617 le château de Beauregard, près de Blois. Il y crée la fameuse « Galerie des Illustres » et y décède en 1638. Tant sa charge, que cette seigneurie de Beauregard, le fait accéder à la noblesse. |
Référence
[Cha94] L’essentiel des informations sur le bâtisseur de l’hôtel, Paul Ardier et sa famille sont issus des travaux de Mme Agnès Chablat-Beylot, Une famille de financiers au XVIIe siècle : les Ardier, seigneurs de Beauregard, Thèse de l’École des Chartres, 1994. Arch. Nat. AB/XXVIII/1009. Grâce à elle, nous avons un accès aisé aux transcriptions de ces devis si précieux, mais si difficile à déchiffrer pour un amateur. D’une manière plus générale, son travail, permet de mieux appréhender la vie et le milieu de ces très riches financiers.