Destruction, construction

Permis de détruire

Le permis de construire a été déposé le 24 août 1959. Il se propose d’édifier « à Paris (4e), 6, rue Beautreillis et 13 & 15 rue du Petit-Musc […] 78 logements.» Il est aussi mentionné dans cette demande « l’élargissement des rues Beautreillis et du Petit-Musc, conformément au plan d’Urbanisme (les bâtiments existants sont vétustes et frappés d’alignement) ». Enfin il est précisé que « la nouvelle construction est destinée à reloger, en priorité, les anciens locataires de l’immeuble ; le nombre total de logements (78 y compris la loge de la concierge) étant nécessaire pour assurer l’économie du projet et rendre viable l’opération envisagée. » Cette mesure d’alignement doit non seulement entraîner la démolition du portail, mais aussi une cession à la Ville des parcelles touchées par l’alignement au moment de sa réalisation.

Démolition de l’hôtel et sauvetage du portail Raoul

Annonce de la démolition de l’Hôtel Raoul, panneau d’information côté Petit-Musc sur lequel on peut lire [PHiJB]
S.C.I. PETIT MUSC
Permis de Construire 6V 2870
? GOURIOU Architecte DPLG ???
???
LA RESIDENCE DU PETIT MUSC
CONSTRUCTION
d’un IMMEUBLE de 6 ETAGES

Les travaux de démolition, et de construction, sont effectués en deux tranches. Ceux de la première tranche sont terminés rapidement mais ne concerne que l’aile transverse. Ils ont déjà entraîné la démolition de la moitié de l’hôtel Raoul, mais n’ont pas touché au portail ni au corps central du bâtiment.

La première tranche, la « barre du T » est terminée, mais les travaux de démolitions du reste de l’hôtel sont arrêtés dans l’attente des recours. Vue côté Beautreillis, avec la porte d’entrée de l’hôtel et son horloge. [PHiRL] Vue côté Petit-Musc dans cette même phase d’arrêt du chantier. On voit sur le mur de droite des traces du bâtiment démoli. [PHiRL]

La résistance de la famille Melki

Le relogement des habitants de l’Hôtel Raoul dans le nouvel immeuble devait être garanti à tous. Or prétextant que les Melki occupaient un logement réquisitionné après 1945, les propriétaires de l’hôtel refusèrent de les reloger. Cette famille juive s’était réfugiée à Lyon pendant la guerre ; les comédiens Claude Melki (1939-1994) et Gilbert Melki en sont issus. La famille refusa donc d’être expulsée sans garantie de relogement et déposa des recours. Pendant des mois leur vie devint un enfer au milieu du chantier, des gravats, des mûrs s’écroulant au-dessus d’eux. Tout ceci retarda le chantier de la deuxième phase. Ce retard a-t-il permis à M. Laprade de constater les dégâts causés au patrimoine et de sauver in extremis le portail ?

Ainsi, bien que la demande en autorisation de construire pour la deuxième tranche ait été accordée dès le 2 mai 1960 au même moment que pour la première tranche des recours bloquent le chantier. Un deuxième avis a donc été nécessaire car « suite à la demande de Monsieur Laprade, Architecte [urbaniste des bâtiments de France chargé de l’aménagement du Marais], le constructeur a modifié en cours d’exécution le projet initial […] pour permettre la conservation du porche ancien sur la rue Beautreillis ». Ce second avis est daté du 28 décembre 1966.

La direction technique de la voirie parisienne est sollicitée sur les conséquences. Elle écrit : « Le maintien de ce porche, en saillie sur l’alignement approuvé, de la voie est un état de fait sur lequel la Voirie Parisienne n’avait pas été consultée. À ce jour, la situation n’est plus susceptible de révision et l’aménagement de la voie publique sera établi en conséquence. » Le doigt sur la couture du pantalon.

C’est ainsi que l’intervention in extremis de M. Laprade sauva le portail, mais son sort n’en était pas assuré. En effet, la parcelle supportant ce portail, se trouve détachée du reste de la copropriété où est bâti l’immeuble, et comme la Ville ne réalise pas l’alignement, le portail et son terrain restent la propriété des descendants de Jean-Louis Raoul.

Référence

[PHiJB] Photo de Jacques Burrus

[PHiRL] Photos de Roland Liot

Ces photos conservées à la photothèque de Paris Historique. Cette photothèque renferme une importante collection de clichés pris au début des années 1960 documentant ainsi l’état du Marais avant les importantes mutations. Pour l’Hôtel Raoul de nombreux clichés ont été pris pendant sa démolition.