L’immeuble actuel, au 15, rue du Petit-Musc, porte un peu pompeusement le nom de « Résidence du Petit-Musc ». En forme de T, il s’ouvre des deux côtés vers la rue du Petit-Musc, et vers la rue Beautreillis et occupe le centre du pâté de maison. Un œil averti y décèlera quelques indices de l’hôtel Raoul.
Jean Gouriou, gendre de Gustave Bourse, prix de Rome, architecte diplômé par le gouvernement, en a assuré les plans.
On y trouve 56 appartements, plus celui du gardien, qui se répartissent en 14 studios, 20 deux pièces, 17 trois pièces et 5 quatre pièces. D’une manière amusante, le hall d’entrée se retrouve exactement à l’emplacement de la grande chambre du maître de maison et en a approximativement les dimensions.
Comme il a été décrit, la construction s’est faite en deux tranches. La première tranche de 25 logements occupe toute la largeur du pâté de maison. Au centre une vaste cage d’escalier, éclairée par le toit, ainsi que les deux ascenseurs. L’originalité de la construction réside dans la différence de niveau entre le côté rue du Petit-Musc et celui rue Beautreillis. De ce fait, l’escalier est formé d’une succession de volée de huit marches desservant alternativement les demi-étages. Dans la première tranche les appartements (deux par demi-étage) sont de plain-pied et ne donnent que sur une seule rue à la fois. Les caves se trouvent aussi réparties en trois demi-niveaux.
La seconde tranche forme la jambe du T au centre de la parcelle. La façade de cette partie cotée Beautreillis est au même emplacement que la façade du logis principal de l’hôtel Raoul. Les appartements sont desservis par quatre longs couloirs seulement pour les sept niveaux et ils font penser à des coursives de bateau. Les portes des appartements sont presque toutes à gauche du couloir ; elles desservent des appartements qui se retrouvent sur deux voire trois demi-niveaux donnant sur les deux rues pour la plupart. Tout ceci crée un enchevêtrement assez diabolique qui rend difficile l’identification de ses voisins. C’est aussi dans cette partie que les parkings ont pris la place des caves voûtées de l’hôtel.
L’escalier central, composé de volées de huit marches, laisse tomber la lumière provenant de deux skydomes sur le toît. |
Dès sa construction il était prévu qu’un grand nombre de ces appartements seraient mis en location, entre autres pour satisfaire l’obligation de relogement des anciens locataires de l’hôtel Raoul. C’est ce qui a été fait, et en 2003 est décédée la dernière locataire qui avait précédemment habité l’hôtel Raoul. Aujourd’hui un peu plus de la moitié des logements sont loués.
On peut remarquer que certaines fenêtres ont bénéficié du réemploi des balcons en fer forgé d’époque Louis XV. Avant le dernier ravalement, une empreinte de l’hôtel disparu se remarquait sur le mur aveugle de l’immeuble ancien au 11, rue du Petit-Musc : l’enduit est moins dégradé à l’endroit où s’appuyait l’hôtel Raoul, et est zébré de fissures aux endroits qui n’étaient pas protégés. Une noue, sans utilité aujourd’hui, témoigne aussi de l’ancienne construction.
Notons que le nouvel immeuble – « une des hontes du Marais » – selon la qualification de M. Gady [Gad94], tourne le dos à l’ancien hôtel, puisque son entrée principale est au 15, rue du Petit-Musc, alors que l’entrée de service, donnant vers le jardin, se retrouve à l’emplacement exact de l’ancienne entrée principale de l’hôtel Raoul.
Dans le mur, recouvert de vigne vierge, s’ouvre une grande fenêtre munie de barreaux, éclairant une pièce du 4, rue Beautreillis. On en trouve déjà mention en ces termes dans un acte de vente de 1677 sous forme d’une servitude qui consiste à « laisser jouir ledit Sieur Nollet ses fils et successeur propriétaire de la maison joignante celle ci-dessus vendue de la fenestre qui se trouve l’antichambre et la grande chambre de la maison dudit sieur Nollet regardant sur la basse cour de ladite maison vendue ».
Le ravalement effectué fin 2005 a redonné un aspect plus présentable à l’immeuble.
Référence
[Gad94] Alexandre Gady est un grand spécialiste de l’histoire du Marais et de son architecture. Il écrit : « L’immeuble qui [le] remplace l’hôtel Raoul est une des hontes du Marais. » Ce verdict sans appel sur l’immeuble où j’habite est pour beaucoup dans ma motivation à sauver ces vestiges. Par la suite, ses encouragements m’ont été très valables, et ses ouvrages permettent de se retrouver dans les styles architecturaux. J’ai plus particulièrement consulté son livre, Le Marais, Éditions Carré, 75011 Paris, 1994.